L’école c’est bien, mais est-ce réellement suffisant pour s’intégrer efficacement dans le monde du travail. Sinon, qu’est-ce qu’on ne t’apprend pas à l’école sur la carrière ?
J’ai demandé à Marie-Christine Kameni, fondatrice du média La Jobsetteuse et créatrice de contenu sur la carrière son avis sur le sujet.
Un échange full transparence et qui ne plaira pas à tout le monde.
Prépare tes popcorns et installe-toi confortablement. 🍿
Hello Marie-Christine, pour commencer, si tu devais te présenter en une phrase à quelqu’un qui ne te connaît pas du tout, tu dirais quoi ?
Hello Chloé,
Merci beaucoup pour cette invitation. Je suis vraiment ravie d’avoir cet échange aujourd’hui.
Si je devais me présenter à quelqu’un qui ne me connaît pas, je me décrirai comme une ancienne salariée qui en a eu marre de voir toujours les mêmes bénéficier des meilleures opportunités pro et qui a eu envie de changer les choses.
Pour revenir sur mon parcours, j’ai un parcours très linéaire : école de commerce, master en Finance d’entreprise, début de carrière en big four (chez EY, un des plus gros cabinets d’audit et de conseil).
Au cours de ma vie pro, j’ai constaté rapidement que beaucoup de jeunes actifs et professionnels expérimentés passaient à côté d’opportunités, non pas par manque de compétence mais par manque d »information sur le monde du travail.
Et c’est ce que j’ai voulu changer en créant mon média La Jobsetteuse afin de démocratiser l’accès aux stratégies de recherche d’emploi, d’évolution de carrière et de productivité au travail.
Bravo à toi pour ce parcours. 👏
Tu parles souvent de “tout ce qu’on n’apprend pas à l’école”.
C’est quoi pour toi, la plus grosse arnaque sur le monde pro qu’on découvre une fois diplômé.e ?
LA PLUS GROSSE ARNAQUE SUR LE MONDE PROFESSIONNEL
La plus grosse arnaque c’est le fait de nous dire « parce que tu as fait de bonnes études, tu auras un bon job ». C’est le plus gros mensonge qu’on nous ait jamais dit.
Très vite, j’ai compris, à mes dépens, qu’avoir un bon diplôme ne faisait pas tout.
D’abord il faut avoir fait un maximum de stages en amont, parce que c’est ce qui permet d’avoir une bonne base. Ensuite, et ça c’est le plus dur, il faut savoir le vendre. Se vendre ce n’est pas juste dire ce qu’on a fait.
En réalité, à la sortie d’école, on a tous un niveau équivalent en termes de compétences. Ce qui différencie un candidat d’un autre c’est sa capacité à raconter son histoire en faisant le lien avec le job et à montrer sa motivation à apprendre, à monter en compétences, sans paraître trop assisté.
Enfin, au niveau junior, le recruteur achète avant tout une recrue avec laquelle il sera content de bosser tous les matins.
Il faut donc connecter émotionnellement avec lui et qu’on rentre dans le moule de l’entreprise. C’est pourquoi beaucoup de jeunes diplômés n’arrivent pas à être recrutés ou à valider leur période d’essai.
C’est précieux. Mais justement, qu’est-ce que tu aurais aimé apprendre à l’école pour mieux gérer ta vie pro ensuite ?
CE QU’ON N’APPREND PAS À L’ÉCOLE MAIS QU’ON DEVRAIT
1) Négocier mon salaire d’entrée
Parce que très souvent on a une marge de négociation entre ce qui est proposé par le recruteur et la fourchette prévue pour le poste.
2) Apprendre, ce que je qualifierai du « kit de survie » du salariat
C’est à dire :
– Surcommuniquer pour éviter de laisser le manager dans le flou.
– Faire des points réguliers avec le manager, même quand il n’en propose pas, pour s’assurer de toujours rester aligné.
– Apprendre à parler de mon travail, au lieu d’attendre qu’il parle tout seul.
– Avoir un mentor, un référent en entreprise, si possible, qui peut aider à mieux naviguer et à mieux comprendre les dynamiques internes.
– Ne pas avoir peur de demander une augmentation.
Et si on t’avait dit à 18 ans ce que tu sais aujourd’hui sur la carrière, qu’est-ce que ça aurait changé ?
ÊTRE FORMÉ SUR LA CARRIÈRE DÈS SES 18 ANS
Si on m’avait dit à 18 ans ce que je sais aujourd’hui, ça aurait indéniablement changé beaucoup de choses ! J’aurais :
- Osé prendre plus souvent la parole en réunion pour faire entendre ma voix et ne pas rester dans l’ombre. (et rendre visible mon travail)
- Osé prendre plus de risques. (par exemple osé parler plus tôt à un manager pour rejoindre une équipe qui me donnait envie.)
- Osé dire non à une charge de travail trop conséquente pour poser des limites et protéger ma santé mentale.
- Osé contacter plus tôt des personnes qui étaient dans des entreprises qui me donnaient envie pour récolter assez d’information pour mieux préparer mes entretiens.
Ce sont des choses que je n’ai pas osé faire plus jeune mais je ne fais que rabâcher sur mes réseaux sociaux pour que d’autres ne fassent pas les mêmes erreurs que moi.
Très vite, j’ai compris, à mes dépens, qu’avoir un bon diplôme ne faisait pas tout.
Selon toi, est-ce qu’il faut forcément avoir un “grand rêve” ou une “passion” pour construire une carrière qui a du sens ?
AVOIR UNE PASSION POUR UNE CARRIÈRE QUI A DU SENS
Mon avis
Non, loin de là !
Chaque personne a le droit d’avoir des aspirations professionnelles qui lui sont propres.
Certains choisissent de vivre de leur passion quitte à être moins payés et c’est ok, pour d’autres c’est tout l’inverse. Et c’est totalement ok.
Le sens de notre carrière est celui qu’on décide de lui donner.
Mon exemple
Pour reprendre mon exemple, avant je travaillais dans la finance et je trouvais beaucoup de sens dans le fait d’accompagner les entreprises dans leurs opérations d’acquisition.
Aujourd’hui j’aide les talents à décrocher les opportunités de leurs rêves et je trouve beaucoup de sens dans ce que je fais également.
Ce qui est important c’est d’être aligné avec ce qu’on fait, de savoir pourquoi on fait les choses et de se donner les moyens de bien faire les choses.

Et est-ce que tu penses qu’on a encore besoin d’avoir “un plan” de carrière en 2025 ? Ou au contraire, il faut apprendre à improviser ?
AVOIR UN PLAN DE CARRIÈRE EN 2025 OU IMPROVISER
Oui, je pense que c’est important de savoir où on va.
C’est important parce que pour intégrer certains domaines, il faut avoir cumulé une expérience spécifique et donc avoir un plan permet de s’y préparer.
Cela va permettre de ne pas saisir n’importe quelle opportunité, à n’importe quel prix mais de choisir celles qui font le plus de sens avec notre projet pro et qui nous permettent de développer des compétences valorisables auprès des recruteurs.
En revanche, c’est important de rester ouvert d’esprit et de ne pas rester campé sur ses positions.
Car tout ne se passe pas toujours comme prévu et parfois on peut passer à côté de très belles opportunités, parce qu’on est trop obnubilé par le chemin qu’on aura prédéfini.
Tu parles aussi beaucoup de mindset sur tes réseaux : c’est quoi les blocages les plus fréquents que tu rencontres chez les gens ?
LES BLOCAGES LES PLUS FRÉQUENTS
Le bon mindset, bon état d’esprit en français c’est effectivement un mot qui revient beaucoup dans mes prises de parole.
Pourquoi ?
Parce que tout part de là. Lorsqu’on aborde le bon état d’esprit, on est capable de faire des choses incroyables, qu’on aurait jamais imaginées.
Pourtant, le plus grand frein de la majeure partie des personnes c’est leur état d’esprit et ça se retranscrit via :
- Le manque de confiance en eux et le fait de penser qu’ils sont moins « bons » que les autres.
- Le sentiment que le monde est contre eux. (les collègues, les managers, etc)
- Le fait de penser que les opportunités vont leur tomber dans la main.
- Le fait de penser que ce n’est réservé qu’aux autres. (alors que les autres ont fait ce qu’eux n’ont pas voulu faire)
- Le fait de penser qu’il n’y arriveront pas avant d’avoir essayé.
Toutes ces pensées sont des gros biais mentaux qui constituent les plus gros blocages de ces personnes.
Merci à toi pour le précieux partage.
Est-ce que tu vois une différence entre ce qu’on t’a appris à faire pour “réussir”, et ce que tu as vraiment eu besoin de faire ?
CE QU’ON A APPRIS À FAIRE VS CE QU’ON DOIT FAIRE POUR RÉUSSIR
Je vois une énorme différence !
On m’a appris très jeune que pour réussir il fallait travailler dur.
C’est faux, pour réussir, il faut travailler intelligemment et concentrer ses efforts sur ce qui a le plus de valeur pour l’entreprise.
On m’a appris que le monde de l’entreprise récompense toujours ceux qui s’investissent le plus.
C’est faux, le monde du travail récompense ceux qui ont compris les règles de l’entreprise et agissent en tenant compte des règles d’influence et de pouvoir interne.
On m’a appris que les RH sont là pour accompagner les employés.
C’est faux, les RH défendent les intérêts de l’employeur. Pour réussir, il faut parvenir à aligner ses objectifs personnels et les objectifs de l’entreprise.
On m’a appris qu’un manager est là pour soutenir ses équipes.
C’est en partie vrai et faux. Les bons managers valorisent leurs équipes et accompagnent leur montée en compétences. Les mauvais managers ne voient que leurs intérêts et peuvent parfois entraver le développement de leurs équipes, alors pour atteindre son objectif, il faut parfois dépasser son manager et taper à la porte de son N+2, N+3 pour faire avancer les choses.
On m’a souvent appris que pour réussir, il faut être patient.
C’est aussi en partie vrai et faux.
Être patient c’est important certes, mais il m’a fallu apprendre à lire entre les lignes et comprendre que ma réussite ne se ferait pas dans tel ou tel environnement et donc oser partir.
Et à ton avis, pourquoi l’école nous prépare aussi mal à la réalité du monde du travail ?
LE GAP ENTRE L’ÉCOLE ET LA RÉALITE DU MONDE DU TRAVAIL
C’est simple !
Beaucoup de professeurs n’ont jamais travaillé en entreprise. L’univers académique repose sur des codes et attentes très différentes des réalités du monde corporate.
À l’école on nous demande d’appliquer des consignes, de suivre une certaine ligne de conduite, d’avoir de bonnes notes. C’est un environnement très normé.
À l’inverse, dans le monde pro, on attend de nous que nous soyons autonomes, adaptables et capables de gérer, parfois dans le flou, de résoudre des problèmes avec des contraintes humaines, budgétaires et politiques.
Résultat, l’ école fabrique de bons élèves et pas forcément de bons professionnels. C’est de là que vient ce déséquilibre.
Et si tu devais donner une “leçon de vie pro” à enseigner dès le collège ou le lycée, ce serait laquelle ?
UNE LECON À ENSEIGNER DÈS LE COLLÈGE OU LE LYCÉE
L’adaptabilité.
C’est la clé pour réussir dans le monde professionnel.
Plus on est adaptable, mieux on sait naviguer dans le monde pro parce qu’on saura s’adapter à l’environnement du travail qui évolue vie, à la diversité culturelle et sociale en entreprise, aux dynamiques et à la culture de l’entreprise et dans son boulot, aux challenges auxquels on fera face.
L’adaptabilité c’est la base !
Pour finir, la question que je pose à tous les invités.
Quel est le meilleur conseil carrière que tu pourrais donner ou que tu n’aies jamais reçu ?
Soyez curieux !
Intéressez-vous profondément et sincèrement au monde et aux gens qui vous entourent.
Posez des questions pour continuer apprendre de nouvelles choses. Cela va vous enrichir à la fois sur le plan pro et personnel.
Personnellement, c’est ce qui m’a permis de construire un aussi gros réseau, d’en apprendre autant sur des métiers aussi différents les uns que les autres et d’être aujourd’hui capable de donner des conseils qui s’appliquent au plus grand nombre !
Intéressez-vous profondément et sincèrement au monde et aux gens qui vous entourent.
Merci du fond du coeur Marie-Christine pour ce partage puissant. ❤
Pour aller plus loin, tu peux retrouver Marie-Christine sur LinkedIn, sur Instagram ou sur TikTok.
A lire aussi : Dans la peau d’un manager | Conseils pour les salariés
Laisser un commentaire